Lucie Giroux vainc sa peur bleue de cuisiner avec le four
Lucie Giroux est membre du RAAMM depuis plus de 3 ans et elle fait également partie du conseil d’administration. Elle nous raconte comment elle a surmonté sa peur d’utiliser la cuisinière.
« Ce qu’il faut savoir, c’est que j’ai toujours eu une phobie du feu, à un point où je ne veux pas me faire incinérer quand je vais mourir. Il y a quelques années, j’ai perdu la vue subitement en me réveillant du coma. J’avais une peur bleue de la cuisinière et je refusais de l’utiliser, même si j’aimais cuisiner en tant que voyante. Comme je cohabite avec ma mère, c’est elle qui préparait les repas. Mais avec le temps, en voyant ma mère vieillir, je me suis dit qu’à un moment donné, je devrais mettre la main à la pâte. Je me suis enfin décidée, après 3 ans, à appeler l’INLB afin de recevoir des trucs pour me servir du four. En réponse à ma demande, Marie-Pier est venue chez moi pour m’accompagner dans cette nouvelle aventure.
Nous avons commencé par préparer une soupe. En me regardant trancher les légumes, elle a constaté que j’étais assez à l’aise avec le couteau. C’est vrai que ça va bien lorsqu’on le fait dans un cabaret; ça évite que les morceaux s’éparpillent un peu partout. La plupart des personnes non voyantes ont peur de se couper, mais moi j’avais peur de me brûler. Une des difficultés rencontrées avec mon nouveau fourneau est qu’il était muni d’une plaque à induction. C’était ardu de repérer les ronds de poêle comparativement aux ronds en serpentin. Marie-Pier m’a montré une façon de mesurer la distance entre le rebord de la plaque et le début du rond à l’aide de mon poignet. Cette astuce m’a permis de me situer et de déposer le chaudron à la bonne place.
Après avoir réussi la soupe, mon prochain défi a été de cuisiner un pâté chinois, puis une croustade aux pommes. Ces recettes nécessitaient que j’utilise le four. Encore une fois, Marie-Pier m’a donné des trucs qui m’ont mis en confiance. Contrairement à ma mère qui utilise des poignées, je mets des gants de silicone qui vont jusqu’aux coudes. Je suis ainsi mieux protégée contre les brûlures. Je tire aussi la grille avant d’y déposer mon plat.
Après quelques rencontres, Marie-Pier a vu que j’étais très sécuritaire dans mes gestes et mes méthodes, et j’ai gagné de l’assurance pour cuisiner seule. Depuis, j’ai fait cuire une dinde et j’ai concocté des pâtés de dinde, des tartes au sucre et des pets de soeur avec le restant de la pâte. J’ai ressenti tellement de satisfaction en réussissant ces plats. Quelle joie c’était de partager mes pets de soeur avec mes voisins dans l’immeuble ! J’étais fière de leur montrer que je pouvais cuisiner même si je suis non voyante.
Disons que cela a grandement amélioré mon autonomie. Je me sens redevenir indépendante. Je m’imaginais que ce serait plus compliqué que ça ne l’a été finalement. Il n’y avait pas plus peureuse que moi avec le four et le feu, donc si j’ai réussi, n’importe qui peut le faire ! J’encourage ceux et celles qui ont cette crainte de prendre le temps d’appeler l’INLB et d’aller chercher les trucs nécessaires pour faire un repas en toute sécurité. N’attendez pas aussi longtemps que moi ! »