France Poulin mène une bataille acharnée auprès des entreprises pour l’accessibilité de leur site Web
France Poulin est membre du RAAMM depuis près de 20 ans et elle effectue régulièrement des démarches de défense de droits pour l’accessibilité du Web. Elle nous raconte ce qui la motive et la manière dont elle s’y prend pour approcher les différentes compagnies.
« C’est d’abord par nécessité que je fais ces revendications. Quand je me bute à des obstacles dans des sites Web que j’utilise fréquemment, je communique avec les entreprises. Par exemple, j’ai contacté ViaRAIL et Télus, dont les sites ne sont pas universellement accessibles, mais jusqu’à maintenant rien n’a changé. Lorsqu’ils font des concours avec un CAPTCHA dans le formulaire de participation, je ne manque pas de souligner l’iniquité.
J’ai aussi talonné ma compagnie d’assurances, Intact, pendant deux ans, et il a fallu que je les menace de rapporter le problème aux médias pour qu’ils se décident à faire quelque chose. Je juge que c’est discriminatoire de ne pas avoir accès à mes informations en ligne alors que je paie les mêmes frais ou commissions que les autres. C’est injuste ! Malheureusement, il arrive assez souvent que les entreprises répondent “Vous avez raison”, mais qu’ensuite il ne se passe rien.
Certes, il y a eu des compagnies avec qui j’ai eu du succès. Par exemple, en remplissant un sondage pour le RGCQ (Regroupement des gestionnaires de copropriété du Québec), lorsque j’ai joint le C.A. de mon édifice, le site et les présentations du RGCQ n’étaient pas accessibles. J’en ai parlé au Directeur général qui semblait être au courant, mais il m’avait promis d’accélérer la mise en place d’un site plus accessible. Il a tenu parole. Il y a maintenant un nouveau directeur général et j’espère qu’il aura la même ouverture quant à l’accessibilité universelle de leur site.
C’est là tout le défi : même si des corrections sont apportées et qu’un site devient accessible, de nouveaux problèmes peuvent apparaître dès que des modifications sont faites dans la présentation du site Web. Il faut alors repartir à zéro. Parfois, je reçois un accueil plus ouvert, mais souvent je me frappe à des murs tellement hauts que j’ai l’impression que je n’y arriverai jamais. Il faut savoir aussi que j’essaie de compléter l’opération en ligne à maintes reprises avant de me résoudre à porter plainte. Le suivi des plaintes peut aussi être fastidieux. J’ai le sentiment de perdre mon temps.
Habituellement, je contacte les entreprises par téléphone, car le formulaire sur le site Web pour envoyer mes commentaires n’est pas totalement accessible et je ne peux pas en garder une copie pour mes dossiers numériques. Je demande un numéro de cas et ensuite, j’inclus ce dernier dans mon courriel. Pour gagner du temps, je me suis créé un message formaté que j’utilise comme modèle et que j’adapte selon la plainte. Je mentionne toujours le Laboratoire de l’accessibilité du Web du RAAMM, car je trouve que c’est un bon point de départ s’ils veulent acquérir des compétences et avoir des pistes de solution. Je mets aussi le RAAMM en copie conforme (CC) de mon courriel. J’écris aux compagnies, mais quand je sens que rien ne progresse, j’appelle au bureau du directeur général afin d’attirer son attention sur la situation discriminatoire pour toutes les personnes malvoyantes ou aveugles.
J’invite tout le monde à faire des plaintes systématiquement aux compagnies. Quand on rencontre des obstacles sur un site Web, il faut le signaler. Un jour, j’ai dit à un responsable de Mondou que leur circulaire en ligne n’était pas accessible. Il l’ignorait ! C’est d’abord un travail de conscientisation, car plusieurs ne se rendent pas compte des limites d’un lecteur d’écran.
Je vous encourage surtout à vous rendre au bout de vos démarches, même quand c’est frustrant et décourageant. C’est un mal nécessaire. Ça ne sert à rien de juste grincer des dents, il faut entreprendre des actions concrètes. On se retrousse les manches, on envoie les courriels et on fait le suivi. Si nous sommes nombreux à signaler les mêmes problèmes, ça aura forcément plus d’impact. »