Espace Laurier: il tombe des clous
Pour plusieurs, l’Espace Laurier – place publique aménagée à la sortie du métro du même nom – est synonyme de beauté. Pour le Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain (RAAMM), il est plutôt synonyme de danger. Les clous podotactiles servant à délimiter les trottoirs sont inefficaces et menacent la sécurité des personnes ayant une limitation visuelle, estime-il.
Dans une lettre adressée au maire de l’arrondissement, Luc Ferrandez, le RAAMM, dont les bureaux sont situés sur la rue Berri, à quelques pas de la station de métro Laurier, se dit « grandement déçu » que l’arrondissement Plateau-Mont-Royal n’ait pas intégralement suivi ses recommandations pour l’aménagement de la place publique.
S’appuyant sur l’expertise de spécialistes en orientation et mobilité de l’Institut Nazareth et Louis-Braille, celui-ci demandait à ce que des tuiles podotactiles soient installées. Or, l’administration locale a plutôt opté pour des clous podotactiles. Le problème avec ces derniers, c’est qu’ils sont difficilement perceptibles en hiver – puisque la majorité des bottes possèdent une épaisse semelle – et sont arrachés lors des opérations de déneigement, engendrant des coûts supplémentaires pour leur remplacement. Plusieurs passants ont confié à notre photographe, lors de son passage sur les lieux, en avoir trouvé jonchant le sol.
« Une personne possédant une limitation visuelle a besoin de trottoirs avec une élévation suffisante pour différencier le trottoir de la rue. Au début, il ne devait y avoir aucune dénivellation entre les deux, sur l’avenue Laurier, mais après avoir discuté avec l’arrondissement, nous en sommes arrivés à un compromis. Les trottoirs sont beaucoup plus bas que la norme, soit 50 mm, alors que la norme est de 150 mm. Pour cette raison, lorsqu’on arrive à un coin de rue, on a besoin de repères, sinon, c’est impossible de savoir si on est dans la rue ou sur le trottoir », explique Yvon Provencher, coordonnateur au développement du RAAMM.
Danger routier
Depuis l’installation de clous podotactiles à l’angle de l’avenue Laurier et de la rue Rivard, le RAAMM affirme avoir reçu plusieurs appels de plaintes de la part de ses membres. En moyenne, ce sont entre 40 et 50 personnes avec une limitation visuelle qui fréquentent les bureaux de ce regroupement chaque semaine, et par le fait même, transitent par cette intersection problématique.
« Ils nous disent que c’est super dangereux. Il y en a même un qui a failli se faire frapper par une voiture, parce que les clous sont difficilement détectables. Moi-même, je passe régulièrement là et je ne les ai jamais remarqués. L’avantage avec les tuiles, c’est qu’elles ne sont pas abimées par le déneigement. Ça, on le sait, car on a du vécu en la matière. Il y en a qui sont installées à Côte-des-Neiges », plaide-t-il.
M. Provencher soutient que l’aménagement actuel « ne tient pas la route » et que l’arrondissement devra réinvestir pour remplacer les clous arrachés ou pour installer les dalles demandées.
Moins coûteux, selon l’arrondissement.
Dans un échange de courriels, Michel Tanguay, chargé de communication à l’arrondissement écrit qu’à la suite de la rencontre tenue avec le RAAMM au printemps dernier, « l’équipe technique est allée constater l’état des plaques podotactiles en granite de la rue Sainte-Catherine, des plaques en acier de la rue Saint-Antoine et des clous podotactiles à la place d’Armes : les plaques de granite n’avaient plus de boutons après un an d’usure et les plaques d’acier avaient été déchirées par les appareils de déneigement. Il a aussi été considéré que l’installation de plaques est plus complexe (et donc plus coûteuse) parce que celles-ci requièrent l’aménagement de fondations spécifiques.»
Il indique également que « les clous podotactiles ont donc été choisis parce qu’ils sont plus faciles et moins coûteux à installer, à entretenir et à remplacer. Le prix du clou installé est de 9 $ l’unité ».
Un article de Daphnée Tranchemontage diffusé dans le journal Le Plateau – TC MEDIA le 31 janvier 2013.
